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Côte d'Ivoire 2025 / Ouattara favori, opposition majeure exclue : la présidentielle vire au plébiscite (Analyse)

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Le Conseil constitutionnel ivoirien vient de créer un précédent historique en publiant une liste de cinq candidats pour la présidentielle du 25 octobre, après avoir écarté les deux principales figures de l'opposition que sont Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam. Cette décision transforme radicalement la nature même de cette élection présidentielle et soulève des questions fondamentales sur l'état de la démocratie ivoirienne.

Alassane Ouattara, âgé de 83 ans et au pouvoir depuis 2011, se retrouve en position de favori incontestable pour décrocher un quatrième mandat consécutif. Sa candidature repose sur une interprétation controversée de la Constitution de 2016 qui, selon lui, remet les compteurs à zéro.

Face à lui, quatre candidats : l'ancienne Première dame Simone Ehivet Gbagbo, Jean-Louis Billon du Congrès Démocratique (CODE), et deux candidats indépendants, Ahoua Don Mello et Henriette Lagou. Cette configuration inédite comprend deux femmes, une première dans l'histoire électorale récente du pays.

L'exclusion de Laurent Gbagbo, pour radiation des listes électorales suite à sa condamnation de 2018, et celle de Tidjane Thiam, pour des questions administratives liées à sa double nationalité, prive ce scrutin de son caractère compétitif. Ces deux figures avaient formé en juin dernier un front commun pour demander une alternance politique, créant une dynamique d'opposition qui semblait pouvoir rivaliser avec le pouvoir en place.

Cette situation place la Côte d'Ivoire dans une position délicate sur l'échiquier démocratique ouest-africain. Dans une région déjà fragilisée par les coups d'État au Mali, au Burkina Faso et au Niger, la première puissance économique francophone d'Afrique subsaharienne jouait un rôle de stabilisateur démocratique. La transformation de cette présidentielle en quasi-plébiscite risque de ternir cette image et de compromettre la crédibilité des institutions démocratiques ivoiriennes.

L'enjeu de la réconciliation nationale demeure central, quinze ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait près de 3 000 morts. Le pays n'ayant jamais connu d'alternance pacifique depuis l'instauration du multipartisme en 1990, cette élection représentait une occasion historique de démontrer la maturité démocratique ivoirienne. L'exclusion de l'opposition principale compromet cette perspective et ravive les tensions autour de la légitimité du processus électoral.

La campagne électorale officielle débutera le 10 octobre pour s'achever le 23 octobre, soit deux semaines de mobilisation pour convaincre 8,7 millions d'électeurs répartis dans 25 678 bureaux de vote. La question de la participation sera cruciale, particulièrement celle de la jeunesse qui représente plus de 70 % de la population âgée de moins de 35 ans. Leur mobilisation ou leur abstention pourrait déterminer la légitimité du futur mandat présidentiel.

La surveillance internationale par l'ONU, l'Union Africaine et la CEDEAO sera déterminante pour évaluer la crédibilité de ce processus. La communauté internationale, qui avait déjà exprimé des réserves sur la candidature d'Ouattara pour un troisième mandat en 2020, observera avec attention ce nouveau test démocratique dans un contexte régional tendu.

Au-delà des considérations politiques, cette présidentielle intervient dans un contexte économique contrasté. Malgré une croissance soutenue de 6 à 7 % par an depuis 2012, les inégalités sociales persistent et le chômage des jeunes reste massif. La filière cacao, pilier de l'économie nationale représentant 40 % de la production mondiale, traverse une crise majeure avec des fluctuations de prix et des défis climatiques qui fragilisent les revenus des producteurs.

L'issue de cette élection déterminera non seulement l'avenir politique de la Côte d'Ivoire pour les cinq prochaines années, mais aussi sa trajectoire démocratique à long terme. La question centrale demeure celle de la légitimité : un mandat obtenu dans ces conditions pourra-t-il rassembler les Ivoiriens au-delà des clivages politiques traditionnels ? La réponse à cette interrogation conditionnera la stabilité future du pays et son rôle de locomotive démocratique en Afrique de l'Ouest.


Delph Bah , Analyste politique & Éveilleur des consciences

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