Et si Gbagbo avait déjà tout prévu ?

Le 8 septembre 2025, le rejet de la candidature de Laurent Gbagbo, accompagné d’arguments qui semblaient davantage destinés à l’humilier qu’à l’écarter du scrutin, visait à atteindre à la fois l’ancien chef de l’État et le leader politique qu’il demeure aujourd’hui. Car Gbagbo n’est pas seulement une figure historique : il dirige le PPA-CI, un parti encore jeune mais déjà capable de mobiliser largement sur l’ensemble du territoire ivoirien. À 79 ans, loin de se laisser briser, il démontre une fois encore son art de transformer l’adversité en moteur pour redessiner le jeu politique.
Sur soixante candidatures déposées, cinquante-cinq ont été rejetées par le Conseil constitutionnel. Parmi elles : Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Pascal Affi N’Guessan, Assalé Tiémoko, Vincent Toh Bi Irié. Un tel rejet massif aurait pu disperser et démobiliser l’opposition. Mais à peine deux jours plus tard, le cabinet de Cocody se transforme en centre névralgique de la contestation.
Le 10 septembre, Pascal Affi N’Guessan, longtemps en froid avec Gbagbo, franchit le seuil du cabinet, aux côtés de Noël Akossi Bendjo du PDCI-RDA et d’un représentant de Guillaume Soro. Le lendemain, Assalé Tiémoko et Vincent Toh Bi suivent le même chemin. Ces rencontres sont qualifiées de « riches en enseignements », preuve qu’il ne s’agissait pas de simples visites de courtoisie. Autour de Gbagbo, son état-major politique — Assoa Adou, Hubert Oulaye, Koné Katinan, Dano Djédjé, Ackah Emmanuel et Maître Touré Habiba — était au complet. Cocody devenait le QG de la résistance.
En quelques jours, Gbagbo accomplit l’improbable : rassembler autour de lui des acteurs que tout opposait. Cette capacité à transcender les clivages illustre non seulement son charisme intact, mais aussi sa maîtrise des rapports de force et son sens affûté de la négociation. Le rejet de candidature devient ainsi le catalyseur d’une coalition inédite, non pas unie par un programme commun, mais par la conviction partagée d’une injustice électorale.
Le PPA-CI met en place une riposte méthodique : une « campagne nationale de protestation » par dépôts de motions auprès des préfets, évitant la confrontation brutale. Discipline, stratégie et légitimité institutionnelle : autant d’éléments qui renforcent la crédibilité du mouvement, à la fois auprès de l’opinion nationale et des acteurs internationaux.
Au-delà des frontières ivoiriennes, Gbagbo projette son discours dans un cadre panafricaniste et souverainiste, en évoquant notamment l’Alliance des États du Sahel. Il capitalise sur la vague anti-française et pro-souveraineté qui traverse l’Afrique de l’Ouest pour donner à son combat une dimension régionale, dépassant la simple compétition électorale.
Dès lors, l’enjeu n’est plus seulement sa candidature. Il réside dans sa capacité à devenir l’architecte d’un paysage politique renouvelé. En fédérant les principaux leaders de l’opposition et en imposant une discipline stratégique à ses partisans, Gbagbo prouve qu’un rejet juridique peut devenir le tremplin d’un projet politique d’envergure.
La mobilisation du 15 septembre constituera le premier test de ce pari audacieux. Si elle confirme l’unité retrouvée de l’opposition et la discipline de ses militants, elle démontrera que le « Woody » de Mama n’a pas simplement subi un rejet : il est en train d’écrire l’un des chapitres les plus stratégiques de sa carrière, capable de redéfinir durablement le rapport des forces en Côte d’Ivoire et, au-delà, en Afrique de l’Ouest.
Delph Bah, Analyste politique & Éveilleur des consciences
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